Faure Gnassingbé : “Nous devons être les acteurs principaux de notre propre sécurité”

Publié le dimanche, 12 octobre 2025 12:40

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(Togo Officiel) - Le Président du Conseil, Faure Essozimna Gnassingbé a ouvert samedi 11 octobre à Lomé, les travaux de la deuxième édition du Lomé Peace and Security Forum (LPSF II). Dans son allocution inaugurale, le leader togolais a partagé ses convictions pour une paix durable sur le continent, et réaffirmé l’engagement du Togo à œuvrer dans ce sens. 

L’intégralité du discours.  

Excellence Monsieur Joseph Boakai, Président de la République du Libéria, Cher frère, cher ami, 

Excellence Monsieur le Président Olusegun Obasanjo, Dear Baba, 

Monsieur le Président du Sénat, 

Mesdames et Messieurs les Présidents des institutions de la République Togolaise, 

Monsieur le Ministre des relations extérieures de la République d’Angola, Président du Conseil Exécutif de l’UA, 

Monsieur le Président de la commission de la CEDEAO

Monsieur le Représentant du Secrétaire général des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel, 

Monsieur le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Région des Grands Lacs, 

Mme Aminata Touré, ancienne première ministre du Sénégal et autre représentant du Président de la République du Sénégal

Monsieur le Secrétaire Général de la ZLECAF 

Monsieur le Secrétaire Exécutif de Lomé Peace and Security Forum 

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les membres du Corps diplomatique et des organisations internationales, 

Mesdames et Messieurs les membres de la société civile,

Distingués invités, 

Mesdames et Messieurs. 

Je voudrais d’abord vous souhaiter la bienvenue à Lomé, ville d’ouverture, de dialogue et de paix, pour cette deuxième édition du Lomé Peace and Security Forum. 

Je me réjouis de voir que cet espace est devenu en deux ans à peine un lieu de réflexion respecté sur les grands enjeux de sécurité du continent. 

Le thème qui nous réunit cette année ne pourrait pas être davantage d’actualité : « comment renforcer et rendre durable la paix et la stabilité dans un monde en mutation ? ».

Car partout autour de nous, c’est une époque de grands bouleversements. Les rivalités géopolitiques se ravivent. Les conflits se multiplient. Les menaces se transforment. Et partout, les mécanismes multilatéraux sur lesquels reposait une grande partie de la sécurité internationale s’essoufflent. 

Dans ce contexte, notre continent n’est pas à la marge : il est au centre. C’est pourquoi notre responsabilité collective est immense. Nous devons repenser la paix en Afrique non pas comme une aspiration abstraite et idéaliste, mais comme un véritable projet politique et stratégique que nous porterons nous-mêmes. 

Je voudrais donc partager avec vous quatre convictions à ce sujet. Elles guident déjà l’action du Togo et j’estime qu’elles sont essentielles pour refonder durablement notre sécurité collective. 

D’abord, nous devons être les acteurs principaux de notre propre sécurité. Car trop souvent, notre continent a été considéré comme un théâtre pour des rivalités extérieures. Nos problèmes ont été analysées depuis d’autres capitales, et des solutions ont été décidées et imposées depuis d’autres enceintes. Mais le monde change, et ce modèle est révolu. L’avenir de la sécurité africaine se jouera d’abord ici, sur notre continent. 

Cette volonté d’autonomie stratégique n’est pas une volonté d’isolement. C’est une volonté de maîtrise. Nous devons exercer fermement notre capacité à définir nous-mêmes nos priorités, nos instruments et nos alliances. Cela suppose des institutions régionales fortes : Union africaine, CEDEAO, CEEAC, SADC.

Cela suppose aussi des capacités nationales robustes : armées professionnelles, diplomaties actives, mécanismes régionaux efficaces. C’est précisément ce que nous nous efforçons à réfléchir et à construire ici : un espace africain de dialogue et d’action, capable de formuler un agenda sécuritaire africain, cohérent, légitime et résilient. 

Puisque nous n’avons pas vocation à subir la vision sécuritaire des autres, alors nous devons inventer et imposer la nôtre. 

Cela m’amène à Ma deuxième conviction c’est que la paix durable se construit par la cohésion locale. La paix ne se décrète pas, elle se construit. Et elle se construit par l’inclusion et par la justice sociale. Les conflits auxquels nous sommes confrontés trouvent souvent leur origine dans des inégalités territoriales, des frustrations sociales, ou des exclusions politiques. Quand une communauté se sent oubliée, marginalisée ou méprisée, l’instabilité n’est jamais très loin. 

La réponse durable, c’est de retisser des liens de proximité. C’est la participation des citoyens, le dialogue communautaire, la réconciliation nationale. 

C’est aussi de comprendre que les femmes, les jeunes, les autorités locales, la société civile sont des acteurs de paix à part entière.

La paix, on l’a souvent dit, n’est pas seulement l’absence de guerre ; c’est la présence de la justice, de la dignité et de l’espoir. C’est donc dans la représentativité des institutions et dans l’accès équitable aux services publics que se forge la stabilité. Je le redis clairement : la sécurité n’est pas qu’une affaire d’armes et de budgets. C’est aussi une affaire d’éducation, de santé, d’emploi et de gouvernance. 

C’est pour cela que le Togo a choisi de placer l’inclusion sociale et territoriale au cœur de sa politique de sécurité. 

Ma troisième conviction c’est que la prévention, l’anticipation et le renforcement des capacités sont les clés de notre vision régionale de la sécurité. La sécurité du continent doit être collective, coordonnée et prospective. Car nous faisons face à des menaces mouvantes : terrorisme, criminalité transnationale, désinformation, cyberattaques, insécurité climatique. Aucune armée, aucune frontière, aucun État ne peut les affronter seul. Il faut passer de la réaction à la prévention. Cela signifie investir davantage dans la veille stratégique, le renseignement partagé, les systèmes d’alerte précoce, et les mécanismes d’intervention rapide. 

Mais anticiper, c’est aussi agir sur les causes profondes. Chaque crise évitée est une victoire certes silencieuse, mais décisive. Nous devons renforcer les politiques publiques qui réduisent les inégalités, atténuent les effets du changement climatique, et empêchent que la misère n’alimente la violence. 

Une partie de la bataille va se jouer dans le champ numérique. Il y a des technologies qui pourraient être des atouts majeurs pour la prévention et la médiation. Mais elles comportent aussi des risques : je pense à la désinformation dans l’espace numérique ou à l’usage hostile des drones dans l’espace physique, mais aussi à l’émergence de nouvelles inégalités liées à la fracture numérique.

Nos États doivent être utilisateurs et promoteurs, mais aussi gardiens de ces technologies, en veillant à ce qu’elles servent la paix plutôt que la déstabilisation. 

Ma quatrième conviction, c’est que nous ne pouvons pas réfléchir à une paix durable sans aborder la question des financements et des partenariats. Soyons clairs, la sécurité a un coût, et ce coût doit être assumé. Il n’est pas question de dépendre des financements extérieurs instables et souvent conditionnels. Il faut donc sans doute inventer nos propres instruments. Cela passe sans doute par une mobilisation plus forte des budgets nationaux et un recours plus stratégique au secteur privé, notamment dans la prévention et la reconstruction post-conflit. 

Et pour cela, il faut d’abord, en parallèle, redéfinir les règles du jeu avec nos partenaires internationaux. Aujourd’hui, nous avons besoin à la fois de pouvoir défendre nos frontières, protéger nos populations, investir dans notre jeunesse et faire face aux effets du changement climatique. Pourtant chaque crise sécuritaire nous contraint à des arbitrages impossibles entre la défense, la santé, l’éducation ou l’investissement productif. 

L’architecture financière mondiale place nos États face à un dilemme impossible : nous ne pouvons financer notre sécurité qu’en creusant notre dette. Pourtant investir dans la paix africaine, c’est prévenir des crises dont le coût global serait infiniment plus lourd.

On ne peut pas continuer à pénaliser ainsi la paix au nom d’une orthodoxie financière court termiste. Il faut donc nous donner les moyens de financer nous-mêmes notre sécurité sans compromettre notre stabilité macroéconomique ou alourdir davantage des conditions de dette déjà insoutenables. 

Ce sont toutes ces règles de jeu de l’architecture financière mondiale qu’il faut repenser. C’est pourquoi je plaide systématiquement auprès de nos partenaires pour que les dépenses de sécurité et de stabilisation dans les États de première ligne soient reconnues comme des biens publics mondiaux. 

Nos partenaires doivent comprendre que ce sont des investissements, au même titre qu’un barrage ou une école. Cela passe par une réforme du système de notation dans les cadres de financement et de soutenabilité de la dette. 

Notre monde traverse une période d’incertitude, mais je veux que Lomé reste un lieu de clarté. 

Un lieu où l’on ose dire que la paix n’est pas un rêve naïf, mais une stratégie exigeante. 

Un lieu où nous parlons d’une seule voix et de manière constructive. 

Un lieu enfin où nous proposons une autre manière de penser la sécurité : par l’autonomie, par l’inclusion, par la prévention et par la responsabilité partagée. 

C’est cela, je crois, l’esprit de ce Forum : un esprit d’action, de lucidité et de solidarité. Puissent nos débats des deux prochains jours nourrir des solutions africaines et inspirer le reste du monde. Et que de Lomé puisse rayonner cette vision simple : celle d’une Afrique en paix, souveraine et forte. 

Je vous remercie.     

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