Ousmane Diagana : “ Il y a au Togo la vision, le potentiel et la volonté d’en faire un pays émergent”

Publié le lundi, 08 novembre 2021 08:07

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(Togo Officiel) - En visite officielle au Togo du 27 au 31 octobre dernier, le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale, Ousmane Diagana a été séduit par les nombreuses initiatives de développement en cours dans le pays. Dans une interview exclusive accordée à Togo First, l’économiste mauritanien a passé en revue plusieurs sujets, parmi lesquels sa vision du partenariat avec le Togo, la reprise économique post-covid, le Doing Business ou les perspectives d’avenir. Extraits. 

Vous venez de passer une semaine marathon au Togo, avec un passage en revue des actions de la Banque sur le territoire. Votre passage est-il annonciateur de nouveaux développements dans la coopération entre votre Institution et le Togo ? Dans quels domaines pouvons-nous vous attendre ?

Ousmane Diagana : Je me réjouis de cette première visite depuis ma prise de fonction en tant que vice-président pour l’Afrique de l’Ouest et centrale. Par le passé j’ai été directeur des opérations de la Banque Mondiale pour un certain nombre de pays dont le Togo, avec résidence à Abidjan. Cette visite s'inscrit dans le contexte de la solidarité que nous exprimons aux pays face à la crise pandémique, une crise sanitaire extrêmement violente qu’ils ont connue. Elle intervient aussi au moment où nous commençons les discussions avec le Togo, pour la préparation de notre prochaine stratégie de partenariats qui va couvrir la période 2022-2026.

Le Togo, avant la pandémie de covid-19, connaissait un taux de croissance élevé, plus de 5% en moyenne par an, et enregistrait aussi des résultats probants en matière de recul de la pauvreté. Évidemment ces progrès ont été affectés avec cette crise sanitaire. Nous avons donc, dans nos échanges avec le gouvernement, discuté des voies et moyens de l’accompagner pour que la reprise qui s’amorce déjà au Togo puisse être forte, durable et inclusive.

Votre institution a également signé un certain nombre d’accords durant ces trois jours. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Ousmane Diagana : En effet, nous avons procédé au lancement d’un projet pour l’amélioration de la qualité de la santé et offrir une assurance maladie universelle à 60% de la population togolaise. Nous avons aussi signé un accord de financement pour le corridor Lomé-Ouagadougou-Niamey, un programme de transport et de développement des infrastructures. Le premier, le programme santé, c’est 70 millions $, et le second, c’est 120 millions $; ce qui représente en tout 190 millions $.

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Mais, à part ces accords de financement, et depuis la survenue de la covid-19, la Banque mondiale a accéléré et diversifié ses interventions au Togo. La Banque a notamment apporté un appui budgétaire au Togo, face aux pressions causées par la crise sur ses liquidités, et nous l'avons accompagnée par un programme de renforcement du système sanitaire et d’acquisition des vaccins.

Notre appui au Togo pour faire face à la crise sanitaire et économique liée à la Covid-19 fait environ 120 millions $, ce qui fait que nous avons en cours au Togo un portefeuille de projets, très large, qui dépasse 700 millions $. Le Togo est d’ailleurs l’un des principaux bénéficiaires des financements de BM dans la sous-région. Si ces augmentations ont pu avoir lieu, c’est certainement pour aider le pays dans cette période difficile, mais également en reconnaissance de la qualité et de la performance des programmes que nous avons ici.

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“Nous avons en cours au Togo un portefeuille de projets, très large, qui dépasse 700 millions $”

Et là-dessus, je tiens à féliciter les autorités togolaises et l’ensemble des départements ministériels qui sont responsables de l’exécution et du suivi des projets financés par la banque mondiale au Togo.

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Le Togo a expérimenté durant la crise, un programme de revenu universel de solidarité, appelé Novissi, en associant l’IA pour mieux cibler les couches les plus concernées. Pensez-vous que c’est le chemin à suivre en Afrique ?

Ousmane Diagana : Tout d’abord, je tenais de nouveau à féliciter le gouvernement togolais pour les mesures urgentes et idoines qu’ils ont prises depuis la survenue de la pandémie. L’exemple de Novissi est effectivement parlant, parce que c’est un programme de filets sociaux, via des transferts monétaires, très novateur. En ceci qu’il s'appuie sur le numérique pour mettre en place un mécanisme de ciblages fiable des meilleurs bénéficiaires. Ceci donne à tout l’instrument beaucoup de crédibilité, et tout le monde salue cette approche du Togo.

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“Il faut faire profiter les autres pays africains de cette expérience qui est en cours au Togo.”

Notre objectif aujourd'hui est de toucher encore plus de personnes, surtout celles dans les zones reculées du pays. Pour cela, il faut donc élargir le programme pour que, dans un premier temps, le maximum de personnes qui ont des besoins d'appui puissent être identifiées et soutenues, et, dans un deuxième temps, faire profiter les autres pays africains de cette expérience qui est en cours au Togo.

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Toujours au Togo, l’agriculture joue un rôle prépondérant dans l’économie. Mais malgré ce rôle structurant, l’accès aux ressources financières reste encore faible. Le PASA a été lancé avec l’appui de la banque pour booster justement le secteur. Pour mieux ouvrir la voie aux crédits bancaires, le Togo a lancé ce qu’on appelle le Mifa.

Ousmane Diagana : C’est une très bonne initiative, nous la saluons. Vous savez, l’agriculture dans tous les pays du monde joue un triple rôle : celui d’alimentation des populations, de création d’emplois, et de génération de revenus pour les populations du milieu rural.

Chaque fois qu’il est des dispositifs prometteurs, mis en place soit par l’État, soit par le secteur privé ou les deux ensembles, nous les regardons et si nous avons la possibilité de les soutenir pour les faire passer à l’échelle, nous le faisons, avec la conviction que la croissance durable, la croissance inclusive, viendra de secteurs comme l’agriculture pour un pays comme le Togo.

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Est-ce que la Banque réfléchirait aussi à des mécanismes du genre ?

Ousmane Diagana : La Banque mondiale est un groupe comme vous le savez, il y a notamment l’IDA, guichet pour lequel le Togo est éligible et puis il y a l’IFC. Ces mécanismes en particulier, on peut les soutenir à travers ces deux guichets en fonction de comment ils sont structurés et présentés. Il faut aussi tenir compte de ce que les autres partenaires aussi font. 

C’est aussi à travers le dialogue avec le gouvernement qu’on va identifier quels sont les domaines dans lesquels on peut avoir une influence plus forte avec des résultats plus rapides, et quels sont les autres domaines où d’autres acteurs y compris le secteur privé interne ou international peuvent contribuer. En résumé, et pour répondre de manière précise à votre question, oui la banque pourrait évaluer des possibilités d’appui de ce type dans le secteur agricole.

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Le groupe de la Banque mondiale a été récemment secoué par des cas de malversations dans son rapport phare le Doing business, ce qui a conduit à sa suspension. Selon certains observateurs, le scandale pourrait saper la confiance que l'on a dans les institutions de Bretton-Woods et entamer le regard des investisseurs sur les pays ayant beaucoup progressé ces dernières années. C’est le cas du Togo par exemple qui a fait un bond de 59 places sur les deux dernières années du rapport. Ces mêmes observateurs pensent que pour rétablir la confiance, il faudra des mesures fortes et décisives.

Comment votre institution compte-t-elle rétablir cette crédibilité aussi bien pour elle que pour les pays, victimes collatérales de cette affaire ?

Ousmane Diagana : Pour ce qui concerne les réformes qu’évalue notamment le Doing Business, le Togo est l’un des pays qui a très bien fait et je crois qu’ayant tiré les bénéfices de ces réformes, avec ou sans Doing Business, ils doivent continuer dans cette voie, c’est manifestement utile pour le pays.

Un système de classement est toujours difficile parce que d’abord il y a une dimension de relativités. Mais pour revenir à ce que vous avez appelé “scandale”, ce qui est important à noter c’est que lorsque le problème a été porté à l’attention du management de la Banque et des départements qui sont en charges de la déontologie professionnelle dans l'institution et de la sauvegarde de ses valeurs, un travail d’investigation très approfondi a été fait. Et lorsque les résultats des études ont été rendus publics, des mesures urgentes ont été prises. Je pense qu’il n'y a pas de mesure plus forte que celle de dire “on arrête la production de ce rapport jusqu’à nouvel ordre”.

Je pense qu’à chaque fois qu’il y a une crise, à chaque fois qu’il y a un problème, le plus important c’est de faire une pause, en tirer des leçons, et essayer de rebondir en mettant en place de nouveaux mécanismes et outils, et puis renforcer véritablement tous les principes d’intégrité et de transparence pour qu’une institution comme la Banque mondiale, qui a bâti sa réputation sur ses valeurs, puissent continuer à être respectée.

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Même si sur le plan sanitaire, l’Afrique a été relativement peu touchée par la pandémie, les conséquences économiques semblent importantes pour le continent. Au-delà des appuis d’urgence qui ont été débloqués en faveur du continent, pensez-vous que la covid-19 va changer la façon dont la Banque intervient dans les pays africains, notamment avec un accent particulier sur les couches les plus jeunes qui non seulement sont les plus nombreuses sur le continent mais également les plus vulnérables ?

Ousmane Diagana : Vous avez parfaitement raison quant aux répercussions économiques de la crise sur l’Afrique. Une des choses que nous, au niveau de la Banque mondiale, regardons de très près, et sur lesquelles on va s’accentuer dans les années à venir, c’est le renforcement du capital humain, y compris des systèmes de santé.

Aujourd’hui, on est donc en train de financer beaucoup de programmes dans ce secteur, en plus des ressources accordées aux pays pour se procurer des vaccins. J’ai parlé tout à l’heure du projet de 70 millions $ pour le Togo, nous travaillons à faire de l'Institut Pasteur de Dakar un hub pour la production de vaccins, entre autres.

En second, en matière de développement du capital humain, nous voulons mettre un accent particulier sur l'éducation, une éducation de qualité, sur toute la chaîne éducative. Il y aura donc beaucoup de programmes de renforcement du système éducatif et des compétences.

Un autre domaine, ce sont les programmes structurants qui participent à la transformation économique pour la création de plus d'emplois : l’énergie, l'économie numérique, les routes, l’agriculture.

Dans les mois à venir, nous ferons surement beaucoup d'autres annonces, et en ce qui concerne un pays comme le Togo. La stratégie nouvelle de partenariat que nous allons préparer va être très volontariste, qui va notamment accompagner la mise œuvre de la feuille de route gouvernementale.

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Parce que, j’en suis convaincu, il y a au Togo la vision, le potentiel et la volonté, d'en faire un pays émergent. On va donc multiplier les programmes en matière d’éducation et d'accès à la santé, en plus grands et plus structurants, pour aider le Togo.

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